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Notre équipe sociale revient sur deux actualités jurisprudentielles de la Cour de cassation en matière de résiliation judiciaire, qui instaure le principe d’inversement de la charge de la preuve en matière de prévention et de sécurité en cas d’accident de travail, et de modification du contrat de travail, qui semble dégager un nouveau critère d’appréciation du secteur géographique. Elle reviendra ensuite brièvement sur la nouvelle procédure à respecter en cas de refus d’un CDI à la suite d’un CDD ou d’un contrat de mission similaire ou équivalent
En matière de résiliation judiciaire, le principe consiste en ce que le salarié supporte la charge de la preuve, devant ainsi démontrer que les manquements de l’employeur sont notamment suffisamment graves pour ne pas permettre la poursuite du contrat de travail.
Dans son arrêt du 28 février 2024 (n° 22-15.624), la Cour de cassation instaure une exception lorsque le salarié, victime d’un accident de travail (en l’espèce en raison de l’absence de fournitures des EPI) ou d’une maladie professionnelle, invoque un ou des manquements de l’employeur aux règles de prévention et de sécurité.
La Cour juge ainsi, dans un attendu de principe, que lorsque le salarié invoque un manquement de l’employeur aux règles de prévention et de sécurité à l’origine de l’accident de travail dont il a été victime, il appartient à l’employeur de justifier avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.
S’il s’agit à notre connaissance de la première fois que la Cour de cassation se prononce en ce sens en matière de résiliation judiciaire, elle avait déjà eu l’occasion de le faire en matière de prise d’acte (Cass. Soc., 12 janvier 2011, n° 09-70.838). La position de la Cour est donc cohérente avec son ancienne jurisprudence.
Sauf à ce que le lieu de travail soit fixé au contrat de travail, la modification du lieu de travail, constitue par principe une modification des conditions de travail qui ne requièrent pas l’accord du salarié, dès lors que la modification intervient dans le même secteur géographique, ainsi que l’a dégagé la Cour de cassation.
Après avoir retenu une appréciation subjective (c’est-à-dire en tenant compte de la situation personnelle du salarié) de cette notion de secteur géographique, la Cour de cassation est revenue à une appréciation plus objective.
Les critères d’appréciation du secteur géographique sont traditionnellement ceux du bassin d’emploi, de la distance entre les lieux de travail et de leur desserte par les transports publics.
Toutefois, dans un arrêt du 24 janvier 2024 (n° 22-19.752), la Cour de cassation semble réintroduire une dose de « subjectivité », en jugeant que le secteur géographique doit également tenir compte de la fatigue et des frais générés pour une salariée, nouvellement contrainte de faire usage de son véhicule personnel, en raison des horaires et de la distance entre l’ancien lieu de travail et le nouveau.
En l’espèce, considérant que l’ancien et le nouveau lieu de travail n’étaient séparés que par une distance de 35km dans deux villes du même département reliées par une voie rapide, emportant un trajet en voiture de 36 minutes, un employeur considérait qu’il s’agissait du même secteur géographique et que, partant, le refus de la salariée d’accepter de se rendre sur son nouveau lieu de travail justifiait son licenciement pour faute grave. La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a, au contraire, considéré que le nouveau lieu d’affectation ne relevait pas du même secteur géographique que le précédent, et qu’ainsi, la modification du lieu de travail devait s’analyser en une modification du contrat de travail que la salariée était en droit de refuser.
Il conviendra donc que la Cour de cassation confirme sa position sur l’ajout de ce nouveau critère de fatigue et de contraintes financières pour une salariée qui utilise son véhicule professionnel.
Le décret n° 2023-1307 du 28 décembre 2023 relatif au refus par un salarié d'une proposition de CDI à l'issue d'un CDD a intégré deux nouveaux articles R. 1243-2 et R. 1251-3-1 au Code travail instaurant une nouvelle procédure à respecter par les employeurs qui proposent un CDI à la suite respectivement d’un CDD ou d’un contrat temporaire.
Cette procédure n’a toutefois vocation à s’appliquer que lorsque l’employeur propose au salarié un CDI pour occuper un emploi remplissant les conditions suivantes :
Il appartient dès lors à l’employeur de notifier la proposition au salarié avant le terme du CDD ou du contrat de mission par lettre recommandée avec accusé de réception, par lettre remise en main propre contre décharge ou par tout autre moyen donnant date certaine à sa réception.
Dans la lettre de proposition l’employeur doit définir un délai raisonnable accordé au salarié pour se prononcer sur la proposition de CDI et indiquer que le défaut de réponse dans ce délai vaudra refus de la proposition.
En cas de refus exprès ou tacite du salarié, l’employeur disposera alors d’un délai d’un mois pour informer France Travail de ce refus via une plateforme dédiée accessible à l’adresse suivante : https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/refus-de-cdi-informer-francetravail. Cette information devra notamment comporter un descriptif de l’emploi proposé et des éléments permettant de justifier dans quelle mesure l’emploi proposé est identique ou similaire à celui de la mission ou du CDD effectué.
Si France Travail considère que les informations transmises par l’employeur sont incomplètes elle lui adressera une demande d’éléments complémentaires à laquelle l’employeur aura 15 jours pour répondre.
A réception de cette information, France Travail informera le salarié des conséquences de son refus sur l’ouverture de ses droits à l’assurance chômage.
Cette procédure permet en effet l’application de la mesure, introduite par la « loi Marché au travail », privant de l’ouverture de leurs droits à l’assurance chômage les salariés en CDD ou en contrat temporaire ayant refusé deux fois un CDI sur un emploi identique ou similaire dans les 12 mois (article L.5422-1 du Code du travail).
Rédigé par Alexandra Tuil.